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Après le débat : le coup de gueule d'un naturaliste

Dernière mise à jour : 5 déc. 2021



Certaines interventions du promoteur Nihon et de l'échevin Herman lors du débat organisé par Matele ce vendredi 04/12 ont suscité pas mal d'émotions. Si Pol qui représentait le comité est resté d'un calme olympien, derrière le poste d'autres ont ressenti de la colère.

Alors, pour ne pas rester sur ce sentiment négatif, un membre du collectif a couché sur papier ce qu'il avait sur l'estomac. Et maintenant que les choses sont dites, on va pouvoir parler plus calmement avec ceux qui ont du courage et de la raison.

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1- La « vision » du politique : Animer les villages, soutenir un projet moderne, éviter un chancre

Voici donc la motivation de la commune à soutenir envers et contre tout le projet des paraboles, selon M. Herman, l’échevin de l’urbanisme. Bravo ! Quelle vision riche de la façon de valoriser le territoire et la nature, quelle perception aiguë des problèmes environnementaux de notre époque, quel sens remarquable de la responsabilité d’une commune vis-à-vis du bien-être de ses habitants et des générations futures!

Monsieur Herman, Lessive n’est pas un village mort, ni un village d’indiens, il n’a pas le souhait d’être animé par un campement de 500 touristes qui vont saturer les bois, contaminer la nappe d’eau qui nous alimente, encombrer les routes et dégrader le bassin de la Lesse.

Monsieur Herman, ce projet n’est pas moderne. C’est un projet digne des années septante, où on ne respectait pas la nature, où on pensait tourisme de masse et spéculation foncière, et au cours desquelles les processus de dérèglement climatique se sont largement emballés.

Monsieur Herman, ce projet n’évite pas la création d’un chancre. Il va en créer un : les villages en bois, dans la forêt, vieillissent très vite et très mal parce qu’il n’ont pas d’âme et pas d’histoire. Dans 15 ans, vous aurez sur les bras une zone sinistrée, délaissée par la population, dont la commune devra gérer le démantèlement.

On aurait aimé vous entendre sur le rôle de la commune à stimuler, soutenir et encadrer des projets citoyens qui préparent la transition écologique que les politicien appellent de tous leurs voeux. A la place, on apprend que la commune n’a pas de moyens, pas d’ambitions, et qu’elle attend des projets de promoteurs privés et « courageux »…

On aurait aimé entendre que la commune comprend les défis climatiques et sanitaires actuels, qu’elle s’engage dans une politique volontariste de protection des forêts et de la biodiversité. A la place de quoi, … un silence étourdissant !

Et on ne vous parle pas (encore) de la problématique de l’épuration des eaux, de l’état des égouts, de l’approvisionnement en eau potable, de la dangerosité des routes pour les usagers faibles, et cetera, et cetera comme vous dites si bien


2- Le « spéculateur » : En vérité je vous le dis, croyez-moi ! Pas besoin de permis


Monsieur Nihon nous l’a dit, il aime les paraboles. Il nous a donc récité une fois de plus sa parabole préférée, celle du gentil promoteur : il a de la vision, il est bourré de bonnes intentions, il veut soulager les finances communales et investir pour la nature.


Analysons donc l’envers du discours.


2.1. Sur la teneur du projet :

M. Nihon veut développer un village intergénérationnel, doté d’un centre de balné… de revalidation. Ce qu’on voit sur les plans : 135 bungalows sur pilotis (dont 3 coloriés en rose ce qui signifie affectés au séjour de patients en revalidation), 13 immeubles à appartement avec fondations (3 en roses…), et RIEN sur le centre de revalidation. Vous ne trouvez pas que cela ressemble furieusement à un village de vacances ? « Ce n’est pas sur les plans car le centre sera installé dans les anciens bâtiments de Belgacom et il ne faut pas de permis pour cela ». Pas de permis ? Alors qu’il en faut à tout citoyen pour une petite véranda ? Et puis, si ce n’est pas dans les plans, est-ce vraiment dans les projets ? Quelles garanties juridiques avons-nous ? Enfin, il faudra nous expliquer en quoi des personnes en revalidation, et donc en séjour temporaire et très peu mobiles, pourront nouer des relations intergénérationnelles durables avec des touristes de passage.


2.2. Sur la protection de la nature :

M. Nihon ne construit que dans 7,5 ha de forêt ? Nous avons recalculé sur base des plans introduits et confirmons que 12 ha actuellement boisés seront affectés par les constructions. Car nous ne nous basons pas sur la taille des parcelles cadastrales, mais bien sur la taille des zones actuellement boisées.

M. Nihon construit sur pilotis et ne détruira pas le sous-sol de la forêt ? Il oublie les tranchées de 1m de profondeur nécessaires pour les canalisations. Il omet de signaler que les chemins engazonnés, présents dans le projet « Your nature » à Antoing dont il s’inspire abondamment, ont été vite remplacés par des routes aspahltées, plus pratiques et moins glissantes.

M. Nihon conservera les arbres remarquables ? Deux remarques à ce sujet : d’abord, une forêt, c’est un ensemble vivant, un écosystème interconnecté par les racines et où les sujets se protègent et se soutiennent mutuellement : toucher à cet équilibre, c’est menacer tout un écosystème qui a mis plusieurs centaines d’années à s’équilibrer. Il faut lire à ce sujet le livre passionnant de Peter Wohlleben, « la vie secrète des arbres ». Ensuite, il faut observer ce que deviennent les massifs boisés intégrés dans des projets immobiliers comparables : le cas du village de la Plate Taille est exemplatif de ce qui reste des arbres 10 ans après la construction.

M. Nihon déclare vouloir épurer les eaux de son village : il avait fait la demande de construire une nouvelle station d’épuration (STEP) et déplore le fait qu’un recours ait amené à l’annulation du permis. Du coup, il va simplement construire les fosses septiques minimales et rejeter le tout à l’égout, sans épuration ! Dans une zone de protection de captage de surcroît. Merci pour la nature ! Il faut relire la motivation de la décision d’annulation, M. Nihon : la demande était introduite pour l’épuration des eaux usées produites par une salle de spectacle, inadaptée à du logement permanent. Avec un modèle de station qui épurait incomplètement les eaux, et qui rejetait le tout dans un ruisseau à écoulement intermittent, le Cobri puis la Wimbe et enfin la Lesse, beaucoup trop sensible à toute trace de polluants. Ce que la Région wallonne vous demande, M. Nihon, c’est d’investir dans une vraie station d’épuration, adaptée à la taille de votre projet, et d’en confier la gestion à l’INASEP, beaucoup plus compétente qu’un privé pour en garantir le bon fonctionnement. C’est ça protéger la nature, M. Nihon !


(À lire aussi Tassin , J. (2016). À quoi pensent les plantes ? Ed. Odile Jacob, Paris, 155 p.)

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