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96 espèces d'oiseaux nichent dans le secteur autour du bois de la Héronnerie

Dernière mise à jour : 9 déc. 2022


Cigogne noire au Bois de la Héronnerie ce 16 avril 2022
Cigogne noire au Bois de la Héronnerie ce 16 avril 2022

L'ornithologue Christophe Dehem, qui connaît particulièrement bien le bois de la Héronnerie et ses environs, a rédigé un véritable plaidoyer sur la nécessité de le protéger :


"Les richesses naturelles de la Famenne en général, et de la région de Rochefort en particulier, sont reconnues de longue date par tous les naturalistes, qu'ils soient botanistes, entomologistes, ornithologues ou autres. Curieusement, cette richesse est rarement connue par les Rochefortois eux-mêmes. Et pourtant, le contraste est saisissant avec les régions voisines. Dès qu'on passe en Condroz ou en Ardenne, pour ne pas dire quand on va au nord du sillon Sambre-et-Meuse, la chute de biodiversité globale est vertigineuse.


Cette richesse naturelle de la Famenne est due à la géologie et à la configuration du terrain qui a empêché une exploitation agricole intensive des terres. Ainsi donc, la pauvreté agricole reconnue des terres famenniennes s'est paradoxalement posée comme garante du maintien d'un patrimoine naturel riche et diversifié. C'est ainsi qu'avec le temps, la Famenne s'est de plus en plus imposée comme un véritable sanctuaire témoin des richesses naturelles d'antan au milieu de régions qui ont progressivement perdu l'essentiel de leur biodiversité, et son centre de gravité,- la région de Rochefort -, en est probablement devenu sa plus belle perle.


Quand nous nous sommes opposés au projet du 'Jardin des Paraboles', on nous a répondu : "Vous n'avez pas honte ?", "Laissez donc cet homme travailler".

A ces personnes, je répondrais ceci : Savez-vous qu'un recensement fait en 2021 sur un secteur de 15 km² situé au coeur de la région de Lesse-et-Lomme et incluant le Bois de la Héronnerie et ses environs a confirmé la nidification de pas moins de 96 espèces d'oiseaux différentes ? C'est tout simplement exceptionnel. A tel point exceptionnel même que je défie quiconque de trouver autre part en Wallonie,- à l'exception peut-être du complexe des marais d'Harchies qui ont leur richesse spécifique en oiseaux d'eau, des roselières et des marais,- un autre secteur aussi exigu (15 km²) avec une telle richesse naturelle, et de surcroît avec de fortes densités de plusieurs espèces rares et menacées.


Je rappelle que j'ai été conservateur de la réserve naturelle de la Basse Wimbe qui entoure en partie le Bois de la Héronnerie et que je suis en outre co-auteur du dernier Atlas des Oiseaux Nicheurs de Wallonie, édité conjointement par la Région Wallonne et la société Aves-Natagora. A ce dernier titre, j'ai énormément travaillé les plus de 600.000 données qui ont servi de base à l'élaboration de cet Atlas et je les ai toujours à disposition. Je sais donc de quoi je parle et je peux étayer mes dires.


Ce bon résultat est en partie le fruit de la mise en place du réseau N2000 et de la création d'importantes réserves naturelles où des bénévoles ont travaillé pendant des décennies pour "booster" les populations existantes d'oiseaux, d'insectes et de plantes dans des environnements exempts de toute contrainte humaine néfaste.


Monsieur Nihon, vous dites explicitement que vous voulez préserver la forêt ("Cela étant la seule annonce qui vous intéresse est que je veux préserver cette forêt et que cela me coûte fort cher en réputation et argent pour le faire" avez-vous écrit). A cela je vous répondrais que la forêt, ce ne sont pas que des arbres, c'est aussi la biodiversité qu'elle renferme, et que cette biodiversité en prendra un sacré coup si vous y installez votre petit village. Si vous voulez réellement préserver la forêt, laissez-la donc en paix. Personne ne vous a demandé d'intervenir pour la préserver. Ne jouez donc pas au grand sauveur de la forêt et laissez les naturalistes agir à votre place. Ils sont prêts à racheter cette forêt, et ils sauront faire ce qu'il faut pour la préserver au mieux.


"Si vous en aviez une, glorifiez vous d’une victoire" avez-vous dit. L'enjeu ici n'est pas un combat d'égo entre votre petite personne et la nôtre et d'une victoire dont vous ou nous pourrions nous glorifier. Pour ma part, il y a longtemps que je ne me bats plus et que j'accepte les choses telles qu'elles sont. Je me contente d'exprimer des évidences et d'exposer des faits en sachant bien que la vérité finira toujours par triompher. Maintenant, libre à chacun de penser ce qu'il veut et d'agir en conséquence. Qui suis-je pour imposer mes idées ou ma volonté aux autres ? Et si c'est le choix de notre humanité de continuer à se suicider, qui suis-je pour l'en empêcher ?


Revenons au réseau N2000. Celui-ci a été créé pour préserver la biodiversité qui s'y trouve et prévenir celle-ci des dégradations d'une activité humaine trop prégnante qui pourrait la menacer. C'est manifestement le cas de votre projet et c'est une des raisons pour lesquelles il a été refusé quatre fois. Ayez donc l'honnêteté de le reconnaître et d'arrêtez de présenter votre projet comme s'il était "écologique et durable". Il a peut-être beaucoup de qualité, mais certainement pas celle-là. A ce propos, je me pose de sérieuses questions sur la fiabilité de la société Ecco Nova avec laquelle vous vous êtes associé puisque, paraît-il, leur objectif serait de "faire rimer Ecologie et Economie". Cela me laisse pour le moins perplexe.


Pour en terminer avec N2000, rappelons que la Région Wallonne est responsable devant l'Europe du maintien de la biodiversité qui s'y trouve et que des contrôles réguliers sont effectués afin de vérifier l'effectivité de ce maintien. Dans le cas de la zone N2000 qui nous concerne, ce sera chose aisée puisque deux espèces N2000 par excellence s'y trouvent : Le Pic mar et la Pie-grièche écorcheur.


Dans le Bois de la Héronnerie, les derniers recensements N2000 (2019) font état de 12 territoires de Pic mar. Il s'agit des plus fortes densités connues de Famenne et parmi les plus fortes de Wallonie. Une telle abondance indique qu'on est en présence de vieilles chênaies de qualité et que la richesse naturelle sous-jacente y est élevée, ce que n'ont pas manqué de mettre en évidence les recensements que nous avons effectués en 2021 : présence entre autres de la Cigogne noire, de l'Autour, de la Bondrée et des Pics noir et épeichette, autant d'espèces qui risquent fort de ne guère apprécier la colonisation de leur milieu de vie par plusieurs centaines d'Homo sapiens.


Dans un secteur de 5 km² situés autour du Bois de la Héronnerie, les derniers recensements font état de 57 couples de Pie-grièche écorcheur. Pour rappel, cette population est supérieure à l'entièreté de la population présente au nord du sillon Sambre-et-Meuse, Région Flamande comprise (population estimée à 10 couples en 2001-2007). Elle est en outre équivalente à la moitié de la population totale du Condroz, vaste écorégion de 2.800 km² qui s'étend depuis Thuin, à la frontière française, jusqu'au Pays de Herve, à la frontière allemande, en passant par Dinant, Ciney et Esneux (population totale estimée à 100 couples en 2001-2007). Cela semble difficile à croire, mais c’est la réalité : pour cette espèce bio-indicatrice de la qualité des milieux bocagers, 5 km² situés aux alentours du Bois de la Héronnerie équivalent à 1.600 km² de Condroz limitrophe. Ce chiffre étonnant met à suffisance en lumière la qualité naturelle exceptionnelle de l’endroit. Une telle concentration d'une espèce bio-indicatrice n'est pas là par hasard. Ce n'est d'ailleurs pas non plus par hasard si une doctorante de l'Université Catholique de Louvain, qui souhaitait travailler sur la Pie-grièche écorcheur, a choisi de l'étudier pendant 3 ans (2021,2022 et 2023) précisément sur le pourtour du Bois de la Héronnerie.


Monsieur Nihon, vous écrivez "Il ne faut donc pas confondre opposition villageoise défendant son pré carré (que je respecte) et opposition d'externes qui sous des dehors « écologistes respectables » n’ont que faire des avantages locaux sociaux d’un tel projet". Je ne pense pas qu'il soit utile de votre part d'être de la sorte offensant et calomnieux envers nous. Je crois avoir suffisamment démontré qu'on pouvait ne pas être en accord avec votre projet pour des raisons naturalistes qui sont justes et respectables. Alors quand d'autre part vous nous répondez,- "car quoi que je fasse, soit vous ne me croyez pas, soit vous me calomniez alors … puisqu’ il n’y a pas moyen de dialoguer/collaborer/réfléchir ensemble, ce sera donc sans annonce préalable" -, il me semble, Monsieur Nihon, que c'est vous qui n'écoutez pas et qui n'en faites qu'à votre tête. Votre projet a été refusé quatre fois, et vous ne voulez rien entendre. Où est-il le dialogue que vous prônez ?


Quoi que vous en pensiez, je crois qu'il n'est vraiment pas opportun d'installer plusieurs centaines de personnes au cœur d'une zone qui recèle une telle richesse naturelle. Bien sûr, vous ne cessez de nous rappeler que toutes ces personnes habiteront dans votre partie de zone qui n'est pas N2000. C'est vrai, mais une fois installées, je vous pose la question : comment allons-nous faire pour empêcher qu'une telle pression humaine ne déborde sur les zones Natura 2000 directement adjacentes ? Comment allons-nous expliquer à ces personnes qu'il n'est pas opportun d'aller y faire une balade quotidienne ou d'y promener leur chien, avec ou sans laisse, ou encore d'aller pique-niquer, peut-être à côté du nid d'une espèce rare ou rarissime, et dont on fera peut-être échouer la nidification sans même s'en rendre compte ?


Alors oui, Monsieur Nihon, je suis très inquiet de voir que vous persévérez dans votre projet et j'espère encore que le bon sens prendra finalement le dessus. Et si d'aventure ce projet devait quand même se réaliser, soyez convaincu que nous saurons mettre en évidence les dégradations et l'appauvrissement de la biodiversité qui s'ensuivront et que nous ne manquerons pas de mettre ces informations sur la place publique et de les faire remonter où il faut pour que les responsables de ce désastre en portent les conséquences. Nous avons tous les éléments en main pour cela, et nous ne manquerons pas non plus de faire savoir que nous vous avions transmis, ainsi qu'aux personnes qui avaient le pouvoir de décision, toutes les informations qui devaient permettre d'éviter le désastre.


Je me permets d'interpeller les autorités politiques locales. Monsieur François Bellot, Madame Corine Mullens et Monsieur Pierre-Yves Dermagne. Merci de nous aider à faire en sorte que ce projet soit une fois pour toute abandonné. Notre région a su préserver une richesse naturelle qui fait notre fierté et que les régions voisines nous envient. Sachons en prendre conscience et ne laissons pas se dégrader un tel patrimoine par un tel projet.

Monsieur Dermagne, je me permets de vous demander en particulier de bien vouloir interpeller d'urgence votre collègue du Gouvernement la ministre Petra De Sutter qui a la tutelle sur Proximus afin qu'elle stoppe immédiatement la procédure de vente du Bois de la Héronnerie à Monsieur Nihon qui doit se finaliser d'ici la fin du mois. Des naturalistes sont prêts à racheter le bois pour en faire une réserve naturelle. Saisissons donc cette opportunité. Merci déjà d'entendre notre requête. Nous saurons vous en être reconnaissants.

Merci de m'avoir lu jusqu'au bout et bien à vous tous,


Christophe Dehem "



Recensements 2019 des territoires de Pic mar dans le Bois de la Héronnerie
Recensements 2019 des territoires de Pic mar dans le Bois de la Héronnerie


Recensement 2021 des couples de Pie-grièche écorcheur sur le pourtour de Bois de la Héronnerie
Recensement 2021 des couples de Pie-grièche écorcheur sur le pourtour de Bois de la Héronnerie

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